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Guerre en Ukraine : on vous explique pourquoi le plafonnement du prix du pétrole russe fait débat

Les experts sont partagés sur l'intérêt de l'accord conclu vendredi par l'UE, ses alliés du G7 et l'Australie. Ils évoquent un effet économique limité sur la Russie et un risque d'affaiblissement des entreprises occidentales.
Article rédigé par Mathilde Goupil - avec AFP
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Des barrils de pétrole à Chennai, en Inde, le 24 février 2022. (ARUN SANKAR / AFP)

Une solution trouvée après des mois de négociations... mais dont l'efficacité fait débat. Les 27 pays de l'Union européenne (UE), le G7 et l'Australie se sont mis d'accord, vendredi 2 décembre, pour plafonner le prix du baril de pétrole brut d'origine russe transporté par voie maritime à 60 dollars. Ce mécanisme entrera en vigueur lundi, "ou très peu de temps après", ont précisé le G7 et l'Australie. Mais cette décision, critiquée notamment par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ne fait pas l'unanimité. Franceinfo vous explique pourquoi.

Comment fonctionne ce plafonnement ?

Cet accord interdit aux entreprises des pays signataires de fournir des services permettant le transport maritime (fret, assurance, etc.) de pétrole russe, sauf si le prix de ce dernier est inférieur ou égal à 60 dollars le baril. Or, les pays du G7 accueillent les principales sociétés de transport maritime et d'assurance au monde (principalement en Grèce et au Royaume-Uni), ce qui leur assure donc un pouvoir de dissuasion crédible.

Quel est l'objectif de cette décision ?

La volonté affichée est de priver la Russie, deuxième exportateur mondial de brut, de moyens de financer sa guerre en Ukraine. Le pays a en effet tiré 67 milliards d'euros de ses ventes de pétrole à l'UE depuis le début du conflit, pour un budget militaire annuel d'environ 60 milliards d'euros, rappelle à l'AFP Phuc-Vinh Nguyen, expert des questions énergétiques à l'Institut Jacques-Delors.

Ces derniers mois, les Occidentaux ont déjà agi pour réduire leurs achats de pétrole russe. Les Etats-Unis ont instauré un embargo dès le mois de mars, et un embargo européen sur le pétrole russe acheminé par voie maritime débute lundi. Il va supprimer les deux tiers de ses achats de brut à la Russie.

L'Allemagne et la Pologne ayant par ailleurs décidé d'arrêter leurs livraisons via un oléoduc d'ici à la fin de l'année, les importations russes totales seront touchées à plus de 90%, selon les Européens. Le mécanisme de plafonnement adopté vendredi, qui s'ajoute à ces mesures, ne doit donc pas tant réduire la consommation occidentale de pétrole que celle des pays qui n'imposent pas d'embargo, comme la Chine ou l'Inde.

Quel sera l'impact sur la Russie ?

Pour autant, le plafond n'aura pas un effet magique. En premier lieu, le prix du baril reste relativement haut, afin que Moscou continue d'exporter son pétrole. Le cours du baril de pétrole russe évolue ainsi autour de 65 dollars actuellement, soit à peine plus que le plafond de 60 dollars. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a estimé samedi qu'il ne s'agissait pas d'une "décision sérieuse", Kiev suggérant un prix deux fois plus bas.

L'arrêt des exportations par Moscou entraînerait une catastrophe financière pour la Russie, mais aussi "une augmentation du prix à la pompe" pour les consommateurs européens, rappelle sur franceinfo Patrice Geoffron, professeur de sciences économiques à l'université Paris-Dauphine et directeur du Centre de géopolitique de l'énergie et des matières premières. 

L'effet sur l'économie russe à court terme sera donc limité. Mais "c'est une décision très symbolique, par cohérence géopolitique, pour montrer que l'on veut arrêter de financer indirectement la guerre russe contre l'Ukraine", souligne auprès de franceinfo Maria-Eugenia Sanin, spécialiste des questions énergétiques, et maîtresse de conférences à l'université Paris-Saclay. "Nous serons prêts à examiner et à ajuster le prix maximum", ont néanmoins assuré les pays du G7 et l'Australie dans leur communiqué. Un plafond devrait également être trouvé pour les produits pétroliers russes à partir du 5 février 2023, afin d'en renforcer l'effet.

Cette mesure peut-elle avoir des conséquences pour les entreprises occidentales ?

En retour, le Kremlin a prévenu qu'il ne livrerait plus de pétrole aux pays qui se conformeraient au plafond décidé par l'UE, le G7 et l'Australie. De quoi placer certaines nations "dans une position très inconfortable : choisir entre perdre l'accès au brut russe bon marché ou s'exposer aux sanctions", explique à l'AFP Craig Erlam, analyste chez Oanda, site spécialisé dans la négociation d'actifs. De quoi, aussi, pour les armateurs grecs et les compagnies d'assurance britanniques notamment, perdre des marchés au profit de nouveaux concurrents ne se soumettant pas à des mesures de restriction. "Des assureurs ou des transporteurs pourraient émerger ailleurs", admet ainsi un diplomate dans Le Monde (article pour les abonnés).

Maria-Eugenia Sanin identifie le même risque, notamment dans le secteur assurantiel, le développement d'une activité de fret maritime étant, par nature, "plus long". L'effet négatif serait alors double pour les pays du G7 : non seulement leurs entreprises perdraient des marchés, mais l'effet des sanctions serait atténué. 

Enfin, l'économiste pointe du doigt le risque de contournement du plafonnement occidental. "Le pétrole est un bien homogène, il n'est pas possible de tracer sa provenance : lorsque je mets une limite au pétrole que j'importe de Russie, je ne mets pas de limite sur le pétrole que j'importe d'Arabie saoudite ou d'un autre pays. Donc des pays peuvent racheter du pétrole à la Russie à un prix intéressant et nous le revendre ensuite, sans que le prix plafonné s'applique", détaille Maria-Eugenia Sanin. Une pratique qui existe déjà, notamment en Inde, et qui pourrait donc se voir renforcée.

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